Quelle place des lobbies dans le processus démocratique français ?
Pratiqué tant par les multinationales, les think-tank ou les cabinets de conseil, le lobbying est bien installé dans les instances politiques françaises. En France, depuis 2016, la loi définit les lobbies comme ceux qui ont pour « activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire ». Cette même loi, Sapin II, exige que les représentants d’intérêts (terme légal désignant les lobbies) s’inscrivent sur un registre dans lequel ils déclarent leurs activités et leurs moyens.
Selon une étude réalisée fin 2018 par Grant Thornton, 94% des entreprises ne seraient pas totalement conformes au dispositif de la loi Sapin II. Les Lobbies réfractaires risquent 15 000 euros d’amende et 1 an d’emprisonnement mais par faute de moyens la Haute Autorité pour la Transparence de la vie publique (HATVP) privilégie la pédagogie à la sanction. En effet, les effectifs de la HATVP sont de 50 personnes contre 700 pour l’équivalent britannique. De plus, le pourcentage du budget alloué à la justice est deux fois plus élevé au Danemark (pays le moins corrompu du globe) qu’en France. Une marge de manœuvre exploitable et exploitée par les intérêts privés.
La puissance des lobbies se traduit notamment par un frein à la lutte pour l’environnement. Delphine Batho et Nicolas Hulot, deux anciens ministres démissionnaires dénoncent une forte influence des lobbies industriels dans les prises de décisions touchant à la transition écologique, Hulot décrit un “ problème de démocratie : qui a le pouvoir ? qui gouverne ?” et Batho pointe du doigt « certaines forces économiques », liées notamment au gaz de schiste et au nucléaire, qui voulaient sa tête. Rappelons l’affaire De Rugy : il avait été révélé par Mediapart que l’ex-ministre de l’écologie d’Emmanuel Macron recevait lors de dîners secrets des lobbyistes de l’énergie.
Les frontières entre pouvoir exécutif et lobbies sont de plus en plus floues. A l’Élysée, une vingtaine de collaborateurs sont des ex-lobbyistes à l’image d’Ahlem Gharbi conseillère diplomatique Moyen-Orient d’ Emmanuel Macron et ex- directrice déléguée pour les affaires internationales de Total en zone Afrique et Moyen-Orient. Il convient également de rappeler qu’à la fin du quinquennat de Hollande environ 50% des collaborateurs ministériels ont été embauchés dans le secteur du lobbying.
La porte-parole du gouvernement assure que l’exécutif n’agit pas sous influence et le président de la république estime que le cadre légal actuel est suffisant pour prévenir tout abus. En attendant que la situation évolue, Transparency International attribue à la France la note de 24/100 en termes d’encadrement du lobbying notamment à cause de l’absence de décisions publiques et le nombre jugé trop faible de condamnations judiciaires des abus et de la corruption. Constat similaire du côté du Groupe d’États contre la corruption (Greco) du Conseil de l’Europe : « Une plus grande transparence s’impose », expliquait l’instance, en particulier sur les « contacts entre l’exécutif et les groupes d’intérêts ».